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ler la mélodie, reprenant par contenance son éventail de plumes posé sur le piano, l’appuyait, comme bâillant à demi, sur le coin de ses lèvres ; et c’était maintenant dans le grand salon bleu et or, tout tendu de tendres soieries japonaises balafrées de branches de pêchers en fleurs et de grands vols zigzaguants de cigognes, c’était un bruissement de raides étoffes craquantes, des chuchotements discrets de femmes énamourées, des « ah ! ah ! délicieux » sirotés par de petites voix mielleuses, des bravo, brava, tapotés aux paumes des mains gantées, tout le caquetage admiratif et flatteur, édulcoré de maniérisme, en usage dans un certain grand monde.

Debout dans leurs traînes de bal s’étageant à plis droits derrière elles, un peu à la façon de jolis serpents dressés sur leur queue, le corsage incliné dans une pose offerte, les femmes avaient fait halte autour des exécutants et, au milieu de l’incessant va-et-vient des éventails et de jolies attitudes et de gracieux mouvements d’épaules et de bras nus qui se savent regardés, les questions se croisaient insignifiantes, mais sur des modulations exquises :