Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Commandeur.

Sait-il également que je suis Fernand Gomez de Guzman ?

Florez.

C’est un enfant ; ne faites pas attention à sa conduite.

Le Commandeur.

Et quand bien même il ne saurait pas mon nom, ne devrait-il pas lui suffire que l’on m’appelle le commandeur mayor ?

Ortuño.

Il ne manque pas de gens qui auront pu lui conseiller cette impolitesse.

Le Commandeur.

Il ne se fera point d’amis. Ce sont les égards qui gagnent les cœurs. Un homme impoli éloigne de lui tout le monde.

Ortuño.

Si un homme discourtois savait combien il est détesté de ceux-là mêmes qui lui auraient baisé les pieds, personne ne voudrait l’être, et l’on craindrait ce défaut plus que la mort.

Florez.

Il n’est rien de plus fatigant, de plus irritant. Entre égaux l’impolitesse est une sottise ; mais venant d’un supérieur, c’est une tyrannie. Mais ne vous mettez pas en peine ; le grand maître est un enfant, et il ne sait pas encore ce que c’est que d’être aimé.

Le Commandeur.

L’épée qu’il ceignit, le jour même où la croix de Calatrava couvrit sa poitrine, aurait dû lui apprendre ses devoirs.

Florez.

Si l’on vous a desservi auprès de lui, vous le verrez bientôt.

Ortuño.

Si vous craignez un accueil indigne de vous, nous pouvons nous en retourner.

Le Commandeur.

Non, je veux voir ce qu’il pense.


Entrent LE GRAND MAÎTRE et sa Suite.
Le grand Maître.

Pardonnez, je vous supplie, Fernand Gomez de Guzman. Je n’apprends qu’à l’instant votre arrivée en cette ville.

Le Commandeur.

Je me plaignais de vous, et avec assez de raison. J’attendais plus d’empressement de celui dont j’ai élevé l’enfance, étant tous deux ce que nous sommes : vous grand maître, et moi commandeur de l’ordre, et, de plus, votre dévoué serviteur.

Le grand Maître.

J’étais bien sûr, mon cher Fernand, que vous me viendriez voir. Embrassons-nous encore.