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un débris d’homme comme on en rencontre dans les colonies. Une ophtalmie dans toute sa force dévorait ses yeux. Il s’occupait du moteur, mais ses aptitudes pour la mécanique ne paraissaient pas indiscutables. Un nègre le bousculait, lui enlevait le travail des mains. Alors il ouvrit une bouteille de zébib, de l’absinthe d’Orient. Les trois maîtres du bord la burent. Le nègre en déboucha une deuxième. Le soleil chauffait avec sa grosse lampe ; certainement leur crâne n’allait pas tarder à fumer !

La brise de midi se leva. Le patron commanda le départ. La voile plaquait un peu d’ombre sur un coin du pont, et cela représentait tout notre bonheur de vivre. Un beau jour s’annonçait encore. Mais n’a-t-on pas ce que l’on mérite ?

La nuit venue, le Grec nous apporta une lanterne et s’assit près de nous. Il nous demanda pourquoi nous étions dans ce pays. Dès qu’il sut que les perles nous intéressaient, sa figure s’anima. Et il nous dit exactement : « Combien donneriez-vous d’une lou-lou qui vaut trois cents livres ? — Montre-la. — Demain. — Montre-la tout de suite. — Je ne l’ai pas. — Tu es nakuda ? — Non, mais c’est pour elle que je fais le voyage. »