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PÊCHEURS DE PERLES

Voilà le projet insensé que j’avais formé.

Le plus insensé est de l’avoir réalisé — moins les fées.

Le représentant à Suez de Sa Majesté Ibn Séoud, roi du Nedj, du Hedjaz et de ses dépendances, est une espèce de marchand de comestibles. Attendant de lui la permission de commencer ma vie de conquistador, j’allais le voir deux fois par jour.

Un chrétien ne foule pas aisément l’empire d’Ibn Séoud. Son ministre au Caire n’avait pu m’autoriser à toucher Djeddah. Cependant ne portait-il pas le titre de Mohatamed, qui signifie le Plein Pouvoir ? Le Plein Pouvoir m’avait reçu avec une politesse qui, pour être insigne, n’en paraissait pas moins dégagée. C’était un vieillard maigre, à tête de vieil oiseau, ayant souffert beaucoup du foie, de la chaleur, des mouches et du vent de sable. Il était si chétif, dans sa redingote beige, qu’à la fin je lui parlais à voix basse de peur de l’éteindre. Il me fit donner une toute petite tasse de poupée et je vis arriver un esclave porteur d’une cafetière à bec d’aigle (elle aussi !). Visant ma tasse à plus de soixante centimètres, l’esclave envoya un jet de sa mixture. À ma