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le juif errant est arrivé

grandes enjambées, marquant son chemin dans la neige.

On fit arrêter la voiture. Puis on approcha de lui. Devant notre menace, il allongea le pas. Ben l’appela. Il ne voulut pas entendre. On le rattrapa. Un regard effarouché anima son visage. C’était lui, Ahasvérus. Ses chaussures n’étaient pas encore trop usées depuis dix-neuf cents ans ! L’émotion me transportait.

— Dis-moi où tu vas, d’où tu viens. Es-tu fatigué ? Montre tes cinq sous !

— Il dit qu’il va à Novo-Selitza, fit Salomon. — Et après ? — Qu’il ira à Ganitz. — Et après ? — Il ira en Roumanie — Et après ? — Il dit que chaque année il passe Yom-Kipour (les jours de pénitence) chez le zadick (le rabbin miraculeux) de Vichnitz. — Il est tout seul ? — Non, il est marié, il a cinq enfants. — Ses enfants sont-ils de petits juifs errants ? — Ils sont avec leur mère, dans sa cabane, à la frontière tchéco-roumaine. — Dites-lui qu’il monte dans la voiture. Nous le conduirons à Novo-Selitza. — Il ne veut pas. — Pourquoi ? — Il a peur. — Il n’est jamais monté dans une auto ? – Non !

— Viens avec nous, Juif errant, nous n’irons pas vite. Tu me raconteras ton histoire. Je suis si