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le juif errant est arrivé

naire petite ville. Ombres extravagantes affectionnant les impasses, ils s’y faufilent comme le lièvre au gîte. Je piste deux de ces êtres humains. Ils s’engouffrent sous une voûte et pénètrent dans une espèce de ferme donnant sur un chemin de campagne. Je m’approche et regarde à travers le givre d’un carreau. Fantastique spectacle ! Autour de cinq bougies brûlant dans un chandelier à cinq branches, trente chapeaux de sabbat, c’est-à-dire trois cent quatre-vingt-dix queues de lapins, s’agitent frénétiquement, au son d’une mélopée qui sort de trente barbes. C’est une maison de prières. Un retardataire qui accourt me surprend au guet. Il en fait trois pas en arrière. Il n’ose plus entrer. Quel est cet étranger ? Le malheur est-il sur Mukacevo ? Il bondit dans la sainte ferme. La porte qu’il rudoie en bafouille ! Je m’éloigne de quelques pas. Les Juifs viennent sur le seuil et me regardent, l’angoisse aux yeux. Priez en paix, fils d’Abraham, l’étranger n’est pas méchant !

Où suis-je ? En quels pays des songes ? Et ceux-là, encore, leurs longues manches noires dépassant de loin le bout de leurs doigts ? Que font-ils ces fantômes fourrés, plantés aux coins des rues comme des épouvantails ? Peut-être sont-ils là pour épouvanter la neige ?