Page:Londres - Le Juif errant est arrivé, 1930.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
le juif errant est arrivé

mon honneur et non ma naissance qui me commande d’aimer l’Angleterre. Elle m’est deux fois chère : une fois pour la lucidité de son esprit qui lui a fait comprendre qu’un Juif n’est pas un diable avec une queue au derrière, une autre fois pour ses bienfaits. Je suis un fidèle sujet anglais. J’ai tressailli de fierté quand mes deux fils sont partis pour la guerre. Le sentiment qui m’a transporté n’était pas la vulgaire satisfaction de payer une dette pour m’en débarrasser, mais de faire ce que l’on doit. La loyauté à l’égard du pays qui m’avait recueilli me sembla légère.

Mais, cher monsieur, je suis un vieux Juif. J’ai tété l’hébreu. Un de mes frères, là-bas, porte encore le caftan et les bottes. Je sens en moi tous les dépôts de ma race. Il ne serait pas plus digne de ma part de renier Israël que d’être ingrat envers l’Angleterre.

Murgraff le vieux, levant la main, me montra, contre son mur, le portrait de Théodore Herzl :

— Vous êtes sioniste ?

— Je suis pour tout ce qui pourra soulager la détresse que j’ai connue dans mon enfance. Quand on a pu remonter de la fosse, il ne faut pas couper les cordes qui en sauveront d’autres.