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le juif errant est arrivé

Il interrogea notre voisin. Celui-ci avait plutôt la mine d’un petit employé anglais que d’un libre enfant d’Abraham. Le voisin répondit :

— Oui, je sais qu’il y a un théâtre juif, mais je n’y vais jamais.

Et cela avec un sourire où le mépris était dosé.

— Encore un qui renie, fit le Polonais. Évidemment, en France, en Angleterre… On voit bien qu’ils ne savent rien de ce qui se passe chez nous.

Après avoir bu un dernier verre de ginger beer, boisson que Moïse, en homme de goût, n’avait pas recommandée, nous enfonçâmes notre chapeau et prîmes le chemin de Whitechapel.

C’est à l’est de Londres, c’est même East End, autrement dit la fin de l’Est. Au temps où les Juifs, fuyant les persécutions d’Europe orientale, s’y établirent, c’était le bout de la capitale. Mais le désert ne leur a jamais fait peur ! Il est inutile qu’une barrière marque l’entrée de Whitechapel et que l’on vous distribue un prospectus pour vous avertir que vous allez pénétrer en pays non anglais, cela se renifle. C’est sensible autant que de passer d’une glacière dans une serre. Les gens qui vivent là sont sujets anglais, ou le seront, votent comme des Anglais, parlent l’anglais, mais, dès les premières maisons, rien, là-dedans, ne sent l’Angleterre. C’est