Page:Londres - Le Juif errant est arrivé, 1930.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
le juif errant est arrivé

C’est du ghetto de Lwow, certainement, que Jérémie voulait parler.

Les maisons ont été jetées par terre en 1918, au dernier pogrome sérieux. Les fils d’Israël, vautours à pied, rôdent la nuit et le jour, dans les ruelles, comme cherchant des déchets. Leurs mains emmaillotées dans des morceaux d’étoffe, noirs sur la neige, la tête enfoncée dans leurs épaules par le maillet de la misère, pensifs, inoccupés, s’immobilisant sans raison, seuls, au milieu des places, comme autant de prophètes sans voix et sans auditeurs, ils boisent alors ce ghetto, plutôt qu’ils ne l’animent, de leur seconde silhouette de cyprès tourmentés.

Les portes, les murs de leurs boutiques de fortune sont blindés de panneaux-réclame. Posées comme des pansements sur les plaies de leurs domiciles, ces plaques de fer-blanc ou de carton leur font des maisons d’arlequin. Le quartier nage dans l’odeur d’oignon et de hareng. Un hareng, c’est trop dire, un hareng partagé en six ! Ces morceaux étalés sur un journal tentent l’affamé possesseur de dix grosze. Les preslés, ces croissants dorés à l’œuf, ensemencés de graines de pavots, concurrencent les carrés de harengs. Tout le ghetto mange debout. On ne doit se mettre à table que le ven-