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le juif errant est arrivé

Puis chacun regagna sa maison, et Ben la maison des Meiselmann. Pouvais-je quitter Ben ?

On me convia au dîner du sabbat.

L’intérieur de la Galanterie n’était pas reconnaissable. Balai et plumeau avaient bien travaillé. L’ordre remplaçait le désordre. Une nappe très blanche recouvrait la table. Deux serviettes voilaient quelque chose. Un chandelier à cinq trous portait cinq bougies. La mère bénit les bougies et les alluma. Debout, la famille attendait l’entrée du père. Meiselmann apparut. Il souleva les deux serviettes qui cachaient deux pains blancs. D’un geste de prêtre, il bénit les pains et les coupa en tranches. Après il distribua les parts et chacun plongea la sienne dans un bol de sel. Le père dit encore une prière, en hébreu. Et l’on s’assit.

Les familles juives ne font pas d’économies le vendredi soir ni le samedi. La règle est de beaucoup manger et de boire du vin à la gloire du Seigneur. On servit de la carpe farcie, de la viande exsangue et une montagne de gâteaux à formes hallucinatoires. Le père s’excusa de n’avoir plus de vin de Palestine. Oradea-Mare en manquait. Tout le monde semblait très heureux. Le souci de sécurité sommeillait provisoirement au fond de ces cœurs, groupés, ce soir, au pied du trône de l’Éter-