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le juif errant est arrivé

souvenus du mot. Ils avaient voulu écrire : Galanteria, autrement dit : mercerie. Tant pis !

Entrons tout de même dans la galanterie !

Les boutiques juives, à peine grandes comme une voiture, ont le principe des immenses magasins. On y vend de tout et plus de vieux que de neuf. Il me sembla que la famille Meiselmann était au complet, car je comptai sept têtes, plus qu’il ne vient de clients dans un jour ! Les Meiselmann, non sans être enchantés, parurent émus. Ben me dit : « Voyez l’état de leur esprit : ils me demandent s’il arrive un malheur ! »

Le pogrome avait passé par ici voilà quatorze mois. Il vivait encore dans la mémoire de tous. Meiselmann père, Meiselmann mère, Meiselmann progéniture n’entretinrent Ben que de l’affaire. Je suivis la conversation sur leurs doigts et sur leurs traits. Les Meiselmann rendaient sensibles par la mimique tous les états que leur âme avait connus. D’abord la crainte : ils rentraient la poitrine, puis l’angoisse : les yeux s’agrandissaient ; puis l’effroi : leurs mains en mouvements s’arrêtaient net, comme pétrifiées. Ensuite l’affolement : le père s’était levé et courait, éperdu, dans l’étroite arrière-boutique. Puis un moment de détente, la vague pogromiste semblait mourir. Immobiles, les