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le juif errant est arrivé

trouveras des élèves. — Mon costume me l’interdit. Quand les agents de police nous voient, ils nous disent : « Que faites-vous là ? Remontez chez vous. » — Alors, tu ne sais pas où tu vas ? — Je demanderai conseil au rabbin de Bouchtina.

Que les campagnes soient peuplées de paysans, quoi de mieux ? mais celles-ci étaient hantées de figures inspirées. On croisait — du moins l’aurait-on cru — de vrais étudiants dont seule la pauvreté eût interrompu les études. Têtes de vieux philosophes, de jeunes poètes, de visionnaires maudits mais conscients.

La détresse ne se manifestait bruyamment que par la langue des femmes. Dans chaque village les malheureuses entouraient la voiture. Elles nous tiraient par les vêtements, et, barbouillées de larmes, débitaient des litanies de malheur. Nous devions visiter chacune de leurs stubes. Elles nous montraient les toits ouverts, la boue intérieure, leurs quatre, cinq, six enfants qui grelottaient, les prunes séchées dans le récipient, le grand-père, enveloppé de loques et geignant sur le poêle, les petites filles qui ne grandissaient pas à cause des privations, les idiots riant sur le fumier, les bébés vêtus d’une chemise et pieds nus sur la glace.