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le juif errant est arrivé

souillée en place publique, il avait fui. À Cluj, il était marchand sur les marchés. Maintenant…

Je dois souligner ici combien je trouvais sensationnel de posséder le Juif errant dans mon automobile. Réellement, c’était lui. Avant l’invention de la photographie, je n’eusse pas osé vous l’affirmer aussi fort. Vous auriez pu accuser soit mon imagination, soit ma désinvolture à votre égard. Mais le voici. Vous le verrez comme moi. Je l’ai pris sur le vif, malgré lui, en traître, au village de Ganitz, dans les montagnes des Marmaroches, sur le versant sud des Carpathes, cet hiver, par grand froid et près des loups[1].

Il s’appelait Schwartzbard, du nom du client de Torrès, de celui qui abattit Pan Petlioura, rue Racine, à Paris, parce que Petlioura avait présidé au massacre de cent cinquante mille Juifs, l’année 1919, dans les steppes de l’Ukraine.

En apercevant le Juif éternel sur la piste de neige, je ne pensais pas qu’il vendait des crayons et des bougies, mais qu’il marchait vers Jérusalem. Je le lui fis dire. Il me prit aussitôt pour un haloutz, un pionnier, un ouvrier de Palestine, c’est-à-dire pour un mécréant, un contempteur des prophéties.

  1. La photographie est sur la couverture.