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LA CHINE EN FOLIE

femmes, ces humiliations, nous ne les soupçonnions pas !

Figure-toi, puisque nous étions des égarées, des veuves, enfin ! de vraies sinistrées, qu’il fallait vivre ! Chacun s’était enfui de son côté. On ne connaissait pas l’adresse de ses parents, et plus d’argent ! plus un rouble ! Je ne sais ce qu’elles ont fait nos évadées à Constantinople ou dans ton Paris. Moi, propriétaire de mines d’or sur l’Amour, je lavais la vaisselle, je jouais du piano et j’apportais l’addition aux clients importants d’un petit établissement de Harbin. En même temps, j’étais chargée d’expliquer avec hauteur que, si le total était assez considérable, chaque spécialité représentait juste le prix d’achat en ces jours où les sociétés du monde entier vacillaient sur leurs bases. Aussi j’étais dispensée de m’asseoir sur les genoux des messieurs et le patron, un gros Américain de Frisco, me protégeait contre les Chinois parce que, disait-il, il était, selon ses moyens et pour honorer la mémoire de l’une de ses tantes, l’un des principaux bienfaiteurs de l’Armée du Salut !

Un jour — nous étions cinq jeunes malheureuses dans une datcha[1] — un Chinois entra suivi

  1. Maison de campagne.