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LA CHINE EN FOLIE

Quand nous, les Russes de l’Est, chassés par la famine, nous sommes venus par Mandchouria jusqu’à Harbin, l’espoir de manger, de nous chauffer et de ne plus trembler sous la terreur poussait notre pauvre troupeau de femmes traquées, ignorantes et prêtes à croire, malgré tout, à l’existence d’une vie moins maudite. Des milliers de femmes, parties en un seul vol, s’abattirent contre les murailles de la Chine. Nous fûmes presque toutes retenues à Harbin. « Ici, et pas plus loin », nous dirent les Chinois.

Et ils se mirent à jouer avec nous qui étions sans défense, sans défenseurs. Passions-nous dans une voiture ? Ils l’arrêtaient. « Payez ! » commandaient-ils ! Puis ils nous chassaient et prenaient notre place. En pleine rue ils essayaient de nous toucher. Nous reculions d’effroi, n’est-ce pas ? ils crachaient sur nos pauvres manteaux. Un soir que je rentrais, seule et bien courageuse, l’un me prit le menton, sans une parole, et, de son autre main, en ricanant, il m’outragea. À qui te plaindre ? Dis-moi ? Vous êtes notre bien, disaient les Chinois, et quand il fera moins froid nous vous ferons défiler nues si vous voulez manger du riz. Savait-on cela dans ton pays ? Femmes russes, si fières d’être