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LA CHINE EN FOLIE

chez moi et força ma chambre à coucher. Me broyant dans ses longs bras où je criais d’horreur, il me disait : « Plus tu me mords, petite idole, et plus je t’aime. » Je ne suis pas forte, il était grand. À ses pieds je m’évanouis. Il fut un affreux misérable.

À ce moment le bolchevisme était dans tout son déchaînement et la famine minait la Sibérie, Je me nourrissais de croûte de pain d’avoine et, quand la chance me souriait, de concombres crus. Ma petite fille — j’avais oublié : six mois après la mort de Pavlik, Nadiaska naquit de moi — ma petite fille grandissait et disait déjà beaucoup de jolis mots. Soudain, elle cessa de balbutier. La faim rendait l’enfant muette. Je courais en vain la ville de Tchita pour découvrir un verre de lait. Une femme peut tout supporter excepté de voir son tout petit mourir chaque jour de la famine. On m’arrêta un soir devant le palais de l’ataman Semenoff parce que je criais qu’il fallait au moins sauver les petits enfants.

J’en étais là, sans sou ni pain, parce qu’un incendie, un mois avant, avait dévoré le restant de ma fortune, mes robes, mes fourrures, mes bijoux et vingt mille roubles du tsar retirés à temps de la banque de Sibérie. Alors mourut la petite Na-