Page:Londres - La Chine en folie, 1925.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

88
LA CHINE EN FOLIE

que je te raconte mon histoire. Connais-tu Lermontov ? C’est un poète russe. Lermontov a dit :

Un petit nuage doré a passé la nuit
Sur un rocher de la mer immense.

Pardonne pour le rocher, mais le petit nuage doré c’est moi. J’étais lasse d’être perdue depuis si longtemps. Mais, tu me comprends, un Français a toujours compris une Russe. Écoute, je suis venue au monde d’une façon peu banale. Je suis née sur le Baïkal alors que ma mère, croyant arriver chez elle à temps, le traversait au mois d’avril. Ce lac est ma patrie. Mon nom est Kira, mais je me suis baptisée Galka. C’est le nom des petites pierres blanches qui parsèment les rivages du lac, et comme je considère toutes les petites pierres blanches du Baïkal comme mes sœurs, je suis Galka.

J’ai fait mes études à Irkoutsk. En 1917, j’ai passé mon baccalauréat et, pendant l’été, je me suis mariée par amour. Mais je vois que tu as froid. Tiens, dit-elle, jetant sur mes épaules un beau manteau de vison.

Deux mois plus tard, alors que j’étais dans le bonheur, je dus quitter le mari que j’aimais. Il s’en allait à la guerre. As-tu aimé ? Je restai dix jours,