Le soir tombe comme ça. La preuve est faite : rien à espérer ici. Nous avons trop l’air bagnard encore. Une seule solution : abattre les soixante kilomètres à pied.
On retrouve l’Autre dans le fond de son impasse. La charité lui a donné à manger. Ça l’a réveillé, du coup. Heureusement ! Il nous suit. Nous prenons la route de l’autocar. Neuf heures du soir. La route coupe la forêt ; nous trébuchons dans les ornières. Il pleut. Aucun abri. Marchons.
— Peux-tu suivre, toi, l’Autre ?
Il marche un peu en arrière, mais il marche.
La nuit est sans lune. J’entends les dents de Jean-Marie qui claquent : un accès de fièvre. Depuis longtemps, on n’avait plus de quoi acheter un pain ; on se passait aussi de quinine. Nos pieds sont déchirés par les cailloux. Le sable, la terre, l’eau, nos chaussures, tout cela ne fait qu’un seul poids à traîner. En plus, Jean-Marie a sa malaria,