Page:London - Par les tortues de Tasman, paru dans Ric et Rac, 6, 13 et 20 août 1932.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Avec cette jeune extravagante, il fallait s’attendre à tout.

Elle les enveloppait d’un regard brûlant qui sembla les pénétrer et voir au dedans d’eux-mêmes.

— Oh ! Vous êtes bien les deux frères ! s’écria-t-elle. Personne n’en pourrait douter. Cependant il y a quelque chose… je ne sais pas… je ne saurais m’expliquer.

En réalité, avec un tact qui dépassait l’indulgence disciplinée de Frédéric Travers, elle n’osait exprimer sa pensée. Ses grands yeux d’artiste avaient discerné et compris la différence essentielle et nettement tranchée entre les deux hommes. Ils se ressemblaient : impossible de se méprendre sur leur commune origine, leurs traits en faisaient foi, mais là cessait toute similitude. Tom mesurait trois pouces de plus que Frédéric et sa longue moustache de Viking était tout à fait grise. Il avait le même nez en bec d’aigle que son frère — seulement plus prononcé — et les yeux plus sombres. Les lignes de son visage étaient plus accentuées, les pommettes plus saillantes, le creux des joues plus profond et le hâle plus foncé. C’était une figure volcanique, où le feu couvait encore. Dans le coin de ses yeux le rire avait laissé plus de rides et ses prunelles mêmes reflétaient une gravité absente dans le regard de Frédéric.