Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
UN SOURIRE QUAND MÊME

— J’ai parlé sérieusement et en toute loyauté, gouverneur Atherton… répondis-je, sans me départir de mon calme. Vous pouvez commander qu’on me serre aussi étroitement qu’il vous plaira. Si, dans dix jours, j’ai encore ce même sourire… consentez-vous à nous donner à nous trois, moi, Morrell et Oppenheimer, les trois paquets de papier brun ?

Il riposte :

— Tu sembles bien sûr de toi !

— La foi la plus complète est entrée dans mon cœur.

— Tu t’es converti, alors ? ricana-t-il.

— Naturellement… Je prétends simplement qu’il y a plus de vie en moi que vous ne croyez et que, de cette vie, vous ne sauriez trouver le terme. Donnez-moi, à votre gré, cent jours de camisole. Après cent jours, en vous regardant, je sourirai encore.

— Cent jours… À quoi bon ? Après dix, tu auras démissionné de l’existence, et largement !

— Si c’est votre pensée, promettez-moi les trois paquets de tabac. Que risquez-vous ?

— Veux-tu plutôt, et tout de suite, mon poing dans la figure ?

— Si tel est votre bonheur, ne vous gênez pas, répliquai-je, toujours suave et convaincu. Et tapez fort ! Même en marmelade, ma figure saura vous sourire. Voyons ! n’hésitez pas… Acceptez plutôt le pari.

Il faut qu’un homme soit singulièrement bas et désespéré pour oser rire, comme je le faisais, en de telles circonstances à la barbe du gouverneur. Ou plutôt, il faut qu’il ait une foi bien sincère dans la réalité de son offre.

Le capitaine Jamie parut sentir cette foi qui me soulevait tout entier.

— Je me souviens, dit-il, d’un ancien prisonnier, qui tenait de semblables propos. C’était un Suédois. Il y a de cela vingt ans et vous n’étiez pas encore ici, gouverneur. Cet homme en avait tué un autre, pour vingt-cinq