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« SAMARIE ! »

tant avec un effroi enfantin de la splendeur et de la terreur de Dieu, les discours extravagants qu’il débitait des joies de la Jérusalem Nouvelle et des affres horribles du feu de l’Enfer.

D’où me venaient ces visions, tandis que dans ma cellule je m’effondrais sur le dos, après avoir longtemps fixé un fétu de paille, brillant dans un rais de soleil ?

Moi, Darrell Standing, né et élevé dans un coin perdu de campagne du Minnesota, jadis professeur d’agronomie, puis prisonnier incorrigible à San Quentin et aujourd’hui condamné à mort, dans la prison de Folsom, moi, Darrell Standing, qui vais bientôt mourir par la corde, en Californie, je n’ai certainement jamais, en cette existence présente, aimé de filles de roi. Jamais je n’ai trôné, le glaive en main. Jamais je n’ai navigué sur les flots, ni mêlé ma voix à celle des matelots s’enivrant de liqueurs fortes et chantant joyeusement leur chanson de mort, tandis que, dans la tempête, le navire bondit vers le ciel ou s’écrase aux abîmes, et que, partout, au-dessus, au-dessous et autour de lui, l’eau bouillonne sur les récifs aux dents noires.

Comment, alors, ai-je pu connaître toutes ces choses ? Elles sont hors de mon expérience en cette vie. Et pourtant elles jaillissent de mon cerveau, comme le mot « Samarie ! » s’échappa de mes lèvres d’enfant, devant une photographie qu’on me montrait.

On ne peut créer rien de rien. Pas plus qu’il ne m’était possible de tirer du néant les trente-cinq livres de dynamite que me réclamaient le capitaine Jamie et le gouverneur Atherton, je ne puis avoir fabriqué, de toutes pièces, ces visions. Elles étaient latentes dans mon esprit et je ne fais que les extraire au jour.