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LE VAGABOND DES ÉTOILES

j’approchais insensiblement mes yeux, jusqu’à ce que mes prunelles se brouillassent. Je détendais en même temps toute autre volonté et m’abandonnais à une sorte de vertige, qui ne manquait pas de s’emparer de moi. Un matin arrivait où je me sentais vaciller. Alors je fermais les yeux et, basculant en arrière, je me laissais inconsciemment, choir sur le dos, sur ma paillasse.

De ce moment, pendant un temps variable qui allait de dix minutes à une demi-heure, et jusqu’à une heure, j’errais et vagabondais à travers tous les souvenirs accumulés de mes réapparitions vitales sur cette terre. Mais, comme je l’ai dit, temps et lieux se succédaient trop rapidement, et trop confusément, dans mon cerveau.

Tout ce que je savais, lorsque je revenais à moi, c’est que Darrell Standing était le lien qui reliait entre elles toutes mes visions bizarres, dansantes et titubantes. Et c’était tout. Je n’arrivais pas à revivre entièrement dans le temps et dans l’espace, aucun de mes rêves, si je puis appeler ainsi ces évocations.

C’est ainsi, par exemple, qu’au bout d’un quart d’heure de mon hypnose, j’avais l’impression, presque simultanée, de ramper et de mugir dans le limon primitif, et de voler à travers les airs, en plein vingtième siècle, sur le monoplan de mon ami Haas. Réveillé, je me souvenais fort bien qu’au cours de l’année qui précède mon incarcération à San Quentin, j’avais, en effet, volé avec Haas au-dessus du Pacifique, à Sainte-Monique. Par contre, je n’avais aucune mémoire d’avoir rampé et mugi dans le limon préhistorique. Pourtant, en raisonnant, je me persuadais que l’une et l’autre action devraient être pareillement réelles, puisque toutes deux s’étaient en même temps offertes à ma mémoire. L’une, seulement, était plus lointaine que l’autre, et c’est pourquoi son souvenir s’était oblitéré.

Ah ! quel kaléidoscope de vives et mystérieuses images se succédaient dans mon cerveau, en ces heures d’autohypnose, dans ma cellule !