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LE VAGABOND DES ÉTOILES

Demandez à papa et à maman. Si je mentais, ils m’extirperaient mes mensonges par de bonnes fessées.

De ce moment, le missionnaire ne put tirer de moi un seul mot. Vainement il tenta de me séduire, en faisant défiler devant moi tout un jeu de photographies, en présence desquelles tourbillonnait dans mes yeux et dans ma mémoire une ruée d’images retrouvées. Des phrases, que je retenais d’un air grognon, me démangeaient la langue. Mais je tenais bon.

J’embrassai mon père et ma mère, en leur souhaitant une bonne nuit. Et, tandis que je quittais la pièce pour m’en aller dormir, le missionnaire conclut :

— On en fera sûrement un érudit de premier ordre sur les questions bibliques. À moins qu’avec la magnifique imagination dont il est si précocement doué, il ne devienne un grand romancier…

Ce missionnaire était stupide et ses prophéties idiotes. La preuve en est que je suis ici, à Folsom, au Quartier des Assassins, en train d’écrire ces lignes et attendant qu’on sorte Darrel Standing de sa cellule, puis qu’on essaye de l’envoyer dans les ténèbres, au bout d’une corde. Prétention qui me fait hausser les épaules !

Non, je ne devais devenir ni un théologien, ni un romancier. J’en fus même tout le contraire : expert agronome, professeur agronome, spécialiste dans la science de l’élimination des mouvements inutiles, savant en l’art de diriger une ferme et d’en tirer un rendement maximum, travailleur de laboratoire, penché sur le microscope et l’étude des infiniment petits. Mais pas théologien et romancier pour un centime. Le missionnaire s’était fichu le doigt dans l’œil.

Et je suis assis dans cette cellule de la prison de Folsom, où je m’arrête un instant d’écrire ces Mémoires, pour écouter, dans la lourdeur d’un chaud après-midi, le calme et apaisant bourdonnement des mouches dans l’air assoupi. Ce ne sont point mes mouches de San Quentin et celles-ci ne me connaissent pas. Et je n’ai