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LE VAGABOND DES ÉTOILES

— Ils sont dix. Ils se démènent, en agitant leurs bras, et crient, et hurlent après d’autres hommes qui les regardent et les entourent.

— Et de ces hommes, ils ne s’approchent pas ?

Je secouai la tête.

— Non, ils s’en tiennent à l’écart, comme si quelque chose de fâcheux, qui est en eux, le leur interdisait.

— Continue, continue petit… reprit le missionnaire. Est-ce tout ? Et celui qui se trouve en face d’eux, que fait-il ?

— Il s’est arrêté devant eux. Et tout le monde, comme lui, s’est arrêté. Les jeunes chevriers se sont approchés pour voir. Tout le monde regarde.

— Et puis encore ?

— C’est tout. Les malades s’en retournent chez eux. Ils ne gesticulent plus, ils ne hurlent plus. Ils ne paraissent plus malades. Moi, je me dresse tout droit sur mon cheval et je regarde comme les autres.

Mes trois auditeurs, du coup, éclatèrent de rire.

Alors je me mis en colère et je m’écriai, avec énergie :

— Oui, je suis sur mon cheval, je suis un homme, et j’ai au côté une grosse épée.

— Il s’agit visiblement, expliqua le missionnaire à mes parents, des dix lépreux que le Christ rencontra sur la route de Jérusalem, et qu’il guérit. L’enfant aura vu cette scène célèbre reproduite sur l’écran de quelque lanterne magique. Souvenez-vous…

Mais mon père ni ma mère n’avaient aucun souvenir que j’eusse jamais vu de lanterne magique.

— Mettez-le à l’épreuve une quatrième fois, suggère mon père.

Le missionnaire me passa une quatrième photographie, que j’examinai avec soin. Je déclarai :

— Ce paysage est tout différent du précédent… Une colline est au centre de cette photographie ; il y en d’autres, dans le lointain… Vers la droite, une route agreste, des jardins, des arbres, des maisons abritées der-