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L’INTERROGATOIRE

de ces jours dépassa ce que j’avais encore connu dans la prison.

Long Bill Hodge, le rude et incoercible montagnard, fut le premier interrogé. Il en eut pour deux heures, au bout desquelles on le reconduisit, ou plutôt on le relança sur les dalles de son cachot.

Un assez long temps s’écoula, avant que Long Bill Hodge pût reprendre le dessus et revenir à lui. Quand il eut retrouvé ses idées, il cria, de son guichet :

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire de dynamite ? Qui est au courant de cette affaire ?

Personne, bien entendu, ne savait rien.

Ce fut au tour, ensuite, de Luigi Polazzo, un déclassé de San Francisco, né d’italiens émigrés. Il ricanait au nez de ses questionneurs, se moquait d’eux, et les mettait au défi d’empirer envers lui leurs violences.

Luigi Polazzo reparut un peu moins de deux heures après son départ. Ce n’était plus qu’une chiffe, qui bégayait dans le délire. Il fut incapable, de toute la journée, de répondre aux questions que, de leurs cellules, les hommes lui criaient, avides de connaître, avant d’y passer à leur tour, quel traitement il avait subi, quelles questions lui avaient été posées.

À deux reprises, dans les quarante-huit heures qui suivirent, Luigi fut sorti et interrogé. Après quoi, la raison complètement détraquée, il fut expédié au Quartier des Fous. Sa complexion est solide ; il a de larges épaules, les narines bien ouvertes, la poitrine massive, le sang ardent. Bien longtemps après que je me serai balancé dans le vide et me serai évadé ainsi des bagnes californiens, il continuera à palabrer parmi les mabouls.

Chacun des quarante fut ainsi, successivement, emmené à l’interrogatoire et ramené à l’état d’épave humaine, divaguant, et hurlant dans les ténèbres. Et moi, couché sur le sol, j’entendais ces plaintes, ces grognements, ces caquetages oiseux de cerveaux vidés par la souffrance. Et il me semblait que, quelque part dans le passé nébu-