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LE VAGABOND DES ÉTOILES

C’est, au surplus, un homme qui a des ennuis domestiques. Il a deux enfants, une fille qui suit les cours de l’École Secondaire, et un fils, étudiant de première année à l’Université de Stanford. Il ne possède pas de fortune personnelle et n’a que son traitement pour vivre. Sa femme est infirme, et lui-même est d’une santé médiocre. Il a essayé de contracter une assurance sur la vie. Mais les médecins de la Compagnie ont estimé qu’il constituait un risque indésirable. C’est lui qui m’a confié tous ses tracas.

Une fois parti, il ne s’arrêtait plus, et ne s’apercevait pas qu’il me rasait, avec toutes ses histoires. J’ai dû interrompre poliment l’entretien. Sans quoi, il serait encore là.

Mais je m’aperçois que j’ai, moi-même, omis de vous conter exactement comment je me trouve ici.

Délivré de la camisole, je passai encore, dans ma cellule d’isolement de San Quentin, deux années déprimantes et mélancoliques. Ed. Morrell, comme je l’ai dit, après avoir été tiré de sa cellule, fut, par une chance inattendue de lui-même, nommé homme de confiance en chef de la prison. Il succéda à Hutchins dans cet emploi, qui valait à son titulaire un bénéfice net de trois mille dollars par an.

Quand il ne fut plus là, je me trouvai bien seul. Jake Oppenheimer, qui pourrissait depuis tant d’années dans son cachot, s’était, à la longue, aigri le caractère. Il en voulait à l’univers entier. Pendant huit mois, il refusa de parler à personne, pas même à moi.

C’est une chose incroyable que la rapidité avec laquelle les nouvelles se répandent dans une prison. Un peu plus lentement, mais infailliblement, elles arrivent jusqu’aux cellules mêmes d’isolement. C’est ainsi que j’appris, un beau jour, que Cecil Winwood, le faussaire-poète, le froussard, le traître et le mouchard, était revenu à San Quentin, afin d’y purger une nouvelle condamnation, pour un autre faux qu’il avait commis.