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LE VAGABOND DES ÉTOILES

délicatement, entre son pouce et son index, une des dents de sa mâchoire supérieure, placée sous l’œil, et, la branla d’arrière en avant, avec beaucoup d’attention. Puis il bailla, s’étira les bras, se retourna encore, et frappa son appel à destination d’Ed. Morrell,

J’écoutai ce qu’il lui disait.

— Comment vas-tu ? lui frappait-il. Dors-tu ou es-tu éveillé ? Comment va le professeur ?

Confus et lointains, j’entendis les coups frappés en réponse par Morrell.

— C’est un type tout à fait chic ! reprit Oppenheimer. Je me suis toujours défié des gens qui ont de l’instruction. Mais, celui-là, l’éducation ne l’a pas corrompu. C’est un homme franc et carré. Il a un grand courage et, pour or ni pour argent, on ne lui ferait expectorer ce qu’il n’a pas dans la tête de dire. Ils n’auront jamais la dynamite.

Ed. Morrell approuva, et amplifie encore mon éloge.

J’ai eu, tant dans cette existence que dans mes existences passées, maint mouvement d’orgueil. Eh bien ! je dois dire que jamais je ne me sentis aussi flatté qu’en entendant mes deux camarades, ces nobles esprits, s’exprimer ainsi sur mon compte et m’égaler à eux. Parfaitement. Rien ne me fut, dans tous les temps, aussi précieux que l’accolade morale de ces deux condamnés à vie, que le monde considère comme des rebuts du dépotoir humain.

Lorsque j’eus regagné mon corps, dans ma cellule, je rapportai à Jake et lui tapai la visite que je lui avais faite. Mais il demeura inébranlable dans son incrédulité.

Lorsque je lui eus décrit comment il m’était apparu et les actes auxquels il se livrait, il me répondit :

— Tu devines, à la fois, et tu imagines. Depuis le temps, professeur, que tu es comme nous au cachot, tu as pu facilement te rendre compte, en pensée, de ce que Morrell et moi pouvons y faire, pour tuer le temps :