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LE VAGABOND DES ÉTOILES

Je saisis aussitôt mon aviron, qui était la seule arme que je possédais, et je m’avançai, avec prudence, vers cette immense provende. Mais je compris bientôt que tous ces êtres marins ignoraient l’homme. Ils ne trahissaient aucune crainte à mon approche, et ce fut pour moi un jeu d’enfant de leur asséner sur la tête des coups redoublés de mon aviron.

J’en tuai un, deux, trois, quatre, cinq, et je continuai à frapper et à tuer, en proie à une vraie démence.

Cet acharnement au meurtre n’avait ni rime ni raison. Deux heures durant, je m’épuisai à ce massacre, jusqu’à ce que je tombasse de fatigue. Les phoques me laissaient faire, comme hébétés. Puis soudain, comme à un signal donné, tous les survivants regagnèrent l’eau et s’y précipitèrent, pour y disparaître en un clin d’œil.

Le nombre de phoques que j’avais assommés dépassait deux cents. Lorsque je repris mes esprits, je fus scandalisé et effrayé, tout en même temps, de la folie de meurtre qui m’avait possédé. J’avais sottement gaspillé ce que Dieu m’avait offert. Et, pour utiliser du moins le fruit de mes exploits, je me mis au travail sans tarder.

Non sans m’être agenouillé, une fois de plus, et sans avoir renouvelé mes remerciements à l’Être Suprême dont la miséricorde ne se lassait point, je dépouillai les phoques. Puis, de mon couteau, je découpai leur viande en longues bandes, que je mis à sécher sur la surface des rochers, au soleil heureusement reparu. Je découvris aussi, dans des fissures des rocs, de petits dépôts de sel, formés par la mer. Je recueillis ce sel et en frottai la viande, pour la conserver.

Cette besogne me demanda quatre jours entiers et, lorsque j’eus terminé, je songeai, avec une légitime fierté, que Dieu devait être satisfait de moi. Pas une bribe de la viande qu’il m’avait donnée ne serait perdue. Ce labeur me fit, en outre, le plus grand bien. Il ramena dans mon corps une saine circulation et j’eus le plaisir de pouvoir bientôt, sans inconvénient, manger à ma