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À L’INSTAR DE ROBINSON

rore grise, trouvé couché, plié en deux, à l’avant du bateau, complètement gelé et déjà raide. Un des mousses, le plus âgé, mourut le second. Puis l’autre mousse, au bout de dix à douze jours. D’autres hommes, suivirent.

Cinq semaines s’écoulèrent ainsi. Il ne restait plus à bord que, le capitaine, le chirurgien du bord et moi-même. Le froid était tel que bière et eau gelèrent à bloc. Il nous fallait les briser, pour nous en partager les morceaux, que nous sucions ensuite jusqu’à ce qu’ils fondissent.

Le 27 février, une terrible tempête de neige se déchaîna. Nos vivres étaient complètement épuisés. Le chirurgien, qui avait accepté l’idée de la mort, était résigné à tout, et le capitaine était bien près de l’imiter. J’étais au gouvernail, mes deux compagnons gisant comme deux cadavres, lorsque j’aperçus la terre. C’était une petite île de rochers, que battaient les flots. Je gouvernai vers elle. À quelques yards de la côte, la chaloupe échappa à mon contrôle. Elle fut retournée, en un clin d’œil, et je sentis que l’eau salée m’entrait dans la gorge et me suffoquait.

Je ne revis jamais mes deux compagnons. Moi, je pus surnager et m’agripper à un aviron, tandis qu’au même instant un coup de mer me lançait au loin, par-dessus la ligne des récifs côtiers. Je me relevai tout meurtri, mais sans blessures graves. Seule, la tête me tournait, par suite de mon extrême faiblesse. Je fus capable, cependant, de me traîner sur le ventre, un peu plus loin de la côte et à l’abri des lames qui m’eussent infailliblement remporté.

Je me relevai, en un instant, sachant que j’étais sauvé et remerciant Dieu. Je n’ignorais pas que la chaloupe avait été certainement brisée en mille pièces, et je devinais combien affreusement avaient dû être broyés les corps du capitaine Nicoll et du chirurgien. Puis je chancelai et m’évanouis.

Je demeurai, toute la nuit, à demi mort, dans une