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LE VAGABOND DES ÉTOILES

une terre triste et plate, marécageuse et brumeuse.

Je vécus, trois ans, avec mon nouveau maître, toujours derrière lui, soit qu’il chassât le loup dans les marécages, soit qu’il bût dans la Grande Salle de son palais, où Elgiva, sa jeune épouse, venait souvent s’asseoir, entourée de ses femmes.

Je l’accompagnai dans une de ses expéditions, plus encore vers le sud, et nous longeâmes, avec nos navires, ce que l’on appellerait aujourd’hui les côtes de France. C’est alors que j’appris que plus on descendait vers le sud, plus on trouvait les saisons tièdes, et douces les femmes comme le climat.

Nous abordâmes et livrâmes bataille. Agard fut blessé à mort. Nous le ramenâmes dans son pays, où il acheva d’expirer.

Un grand bûcher fut élevé, pour le brûler, près duquel se tint Elgiva, dans un corselet tissu d’or, et chantant. Elle monta ensuite sur le bûcher, où elle brûla, et avec elle tous les serviteurs du maître, tous ses esclaves mâles et neuf femmes esclaves, parées de colliers d’or. Puis encore huit captifs de naissance noble, qui avaient été faits dans une incursion au pays des Angles[1]. Deux faucons y furent aussi jetés, et les deux jeunes fauconniers avec leurs oiseaux.

Mais moi, l’échanson Ragnar Lodhrog, je ne brûlai pas. J’avais onze ans, j’étais hardi et n’avais jamais revêtu de vêtements tissés, mais seulement des peaux de bêtes.

Comme les flammes du bûcher s’élançaient vers le ciel, tandis qu’avant de s’y précipiter Elgiva achevait son chant funèbre, et que femmes et hommes esclaves hurlaient désespérément leurs refus de mourir, je brisai mes liens. Puis, bondissant, je gagnai rapidement les marécages, ayant encore au cou le collier d’or de ma

  1. Peuple saxon, établi au nord de la Germanie et au sud de la Chersonèse Cimbrique (Jutland actuel). Ils passèrent ensuite dans l’île de Bretagne, nommée depuis Angleterre