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« MAINTENANT, Ô MON ROI ! »

Au delà du Yalou, large de quarante milles, s’étendait une immense désolation qui, de la Mer du Japon à la Mer Jaune, constituait la frontière septentrionale coréenne. Ce n’étaient pas, à proprement parler, des terres infécondes, mais des terres que l’on avait rendues telles, en application de la politique d’isolement de la Corée. Sur cette bande, large elle-même de quarante milles, villes, villages, fermes, tout avait été détruit. C’était le no man’s land, infesté de bêtes fauves, et que sillonnaient seules des compagnies de Chasseurs-de-Tigres à cheval, ayant pour mission de tuer tout être humain qu’elles y rencontraient. Il n’y avait donc aucun espoir de s’échapper dans cette direction.

Après avoir longtemps erré comme moi, un peu partout, mes huit camarades matelots se rabattirent de préférence sur la côte sud, où le climat était le plus doux. C’était, en outre, la contrée la plus proche du Japon. À travers les détroits qui le séparaient de la Corée, on apercevait au loin ses côtes s’estomper[1].

Là était le seul espoir de Salut. Peut-être quelque navire d’Europe apparaîtrait-il un jour. Je vois encore ces huit vieillards, debout ou assis sur les falaises de Fusan, et soupirant de toute leur âme vers cette mer sur laquelle il leur était interdit de naviguer désormais.

On apercevait bien, parfois, des jonques japonaises, mais jamais une voile, aux formes familières à la vieille Europe, ne surgit sur les flots.

Les années s’écoulaient. Lady Om et moi, nous avions passé, comme les huit matelots, de l’âge moyen à l’âge mûr, puis à la vieillesse. Nous aussi, nous revenions de préférence à Fusan, où nous nous retrouvions tous ensemble.

Puis, à mesure que s’égrenaient les ans, l’un et l’autre manquaient successivement au rendez-vous habituel.

  1. Les Détroits de Corée, entre le sud-est de la Corée et les Îles japonaises, mesurent environ cent vingt-cinq kilomètres de large, à leur plus grand étranglement.