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LE VAGABOND DES ÉTOILES

Si bien qu’un jour arriva où Yunsan, en guise d’avertissement, avec un imperceptible clignement de ses yeux austères, devenus soudain plus railleurs et plus humains que je ne les en eusse jamais crus capables, me déclara :

— Il vous faut laisser croître vos cheveux, pour le nœud du mariage.

Comme il n’est pas dans l’ordre naturel des choses qu’une Princesse du Sang Impérial épouse un matelot, même quand celui-ci s’affirme, sans preuves visibles et palpables, un descendant des Princes de Koryu, un décret fut promulgué par l’Empereur, déclarant que telle était mon authentique ascendance. En même temps, les Gouverneurs rebelles de cinq provinces ayant été roués et décapités, je fus nommé, moi-même, Gouverneur unique de ces cinq provinces. Et, comme il fallait parfaire le nombre sept, qui est considéré en Corée comme un nombre magique, deux autres Gouverneurs de deux autres provinces furent pareillement révoqués pour me faire place.

Seigneur ! Seigneur ! un pauvre matelot… Me voilà donc envoyé sur les grandes routes de la Corée, avec une escorte de cinq cents soldats, et une nombreuse suite, pour aller prendre possession du gouvernement de sept provinces, où cinquante mille hommes de troupe m’attendaient sous les armes ! Partout où je passais, je distribuais à mon gré la vie, la mort et la torture. J’avais à moi un trésor, avec un gardien pour le défendre, et un régiment de Scribes à mes ordres pour leur dicter mes volontés. Un millier de Percepteurs d’impôts m’attendaient aussi, chargés d’extirper au peuple, en mon nom, ses derniers sous.

Les sept provinces qui m’avaient été allouées constituaient la frontière septentrionale de la Corée. Au delà s’étendait le pays que nous appelons aujourd’hui Mandchourie, et qui était alors connu sous le nom de Pays des Hongdas, ou des Têtes-Rouges.