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« ET QUOI ENCORE, VANDERVOOT ? »

langues, le hollandais tout d’abord, puis le coréen, comme vous l’allez voir !

Après avoir beaucoup tangué et roulé, nous arrivâmes à une île appartenant au Japon, qui n’était pas marquée sur notre carte. Les habitants ne voulurent avoir aucuns rapports avec nous. Deux fonctionnaires en robe de soie traînante, et portant l’épée, qui firent l’admiration béate de Johannes Maartens, vinrent à bord et nous invitèrent, fort poliment, à nous éloigner au plus vite. Sous l’affectation doucereuse de leurs manières et de leurs discours transperçait l’ardeur belliqueuse de leur race, et nous nous hâtâmes d’obtempérer.

Nous traversâmes sans encombre les Archipels Japonais et arrivâmes à la Mer Jaune, faisant route vers la Chine.

Le Sparwehr était un vieux, sale et abominable sabot, qui traînait à ses flancs et sous sa quille toute une chevelure marine. Sa marche en était fort alourdie et entravée. Lorsqu’on prétendait le faire changer de direction, il demeurait sur place, à ballotter, comme un navet jeté à l’eau. Un chaland de rivière était, comparé à lui, rapide, dans ses mouvements. Avec vent debout, il en avait pour un bon quart d’heure à virer, et tout l’équipage devait donner.

Or, à la suite d’un ouragan terrible qui, quarante-huit heures durant, nous avait fait rendre l’âme, le vent avait soudain sauté. Le Sparwehr avait refusé d’obéir au gouvernail et, pris de flanc, il s’en allait à la dérive.

Nous dérivions vers la terre, dans la clarté glaciale d’une aube tempétueuse, sur une mer en furie, dont les lames s’élevaient hautes comme des montagnes. On était en hiver. Tout, sauf la mer, était silencieux autour de nous et, à travers l’opacité d’une tourmente de neige, nous pouvions découvrir, par instants, une côte inhospitalière. Si l’on peut appeler côte un chapelet brisé de récifs écumeux, de rocs sinistres et innombrables, au delà desquels apparaissaient confusément des falaises