Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
RÊVES D’OPIUM OU RÉALITÉS ?

camisole, tu quitteras ton corps, et tu t’en iras faire une petite balade dans le vieux Frisco[1]. Glisse-toi, entre deux et trois heures du matin, aux environs de la Troisième Rue et du Marché, c’est l’instant où les journaux du matin sortent des presses. Lis les dernières nouvelles. Puis reviens en vitesse à San Quentin, en précédant le remorqueur qui traverse la Baie et qui apporte les journaux. Fais-moi part de ce que tu auras lu. Je me procurerai ensuite, par l’intermédiaire d’un gardien, un de ces journaux. Si je trouve exact tout ce que tu m’auras dit, alors je joindrai les pouces et absorberai ensuite, comme paroles d’Évangile, tout ce que tu raconteras de tes promenades.

C’était là, en effet, une excellente épreuve, et je ne pus qu’approuver Oppenheimer, en déclarant à mon tour qu’une telle expérience serait décisive. Morrell répondit qu’il s’y prêterait volontiers. Mais il lui répugnait de quitter inutilement son corps. Il ne le ferait que si, un jour, il avait mérité la camisole, en dehors de sa volonté et s’il souffrait réellement trop.

Oppenheimer observa :

— Voilà comme ils sont tous ! Ils ne veulent jamais déballer leur marchandise ! Ma mère croyait aux esprits. Lorsque j’étais enfant, elle ne cessait de les évoquer et de les interroger, en leur demandant des conseils. Mais jamais elle n’en a tiré rien de bon. Ils étaient incapables de lui dire où le vieux père aurait pu trouver une place sûre, ou découvrir une mine d’or, ou gagner le gros lot à la Loterie Chinoise. Je t’en fiche ! Ils ne lui servaient que des ragots. Comme, par exemple, que l’oncle du vieux père avait eu un goitre, ou que son grand-père était mort de phtisie galopante ; ou que nous déménagerions avant qu’il fût quatre mois. Et ceci n’était pas bien malin à annoncer, étant donné que nous changions de logis six fois par an, en moyenne !

  1. Abréviation de San Francisco.