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LE VAGABOND DES ÉTOILES

Je ne m’attarderai pas sur la torture que j’éprouvai, comme les fois précédentes, par suite du retour de la circulation du sang. C’était déjà pour moi une vieille histoire, qui régulièrement allait se renouveler à chaque période de camisole. Les marques indélébiles que cette intense souffrance a creusées sur mon visage, je les emporterai à la potence.

Quand, enfin, ils me laissèrent seul, je restai étendu par terre tout le reste de la journée, hébété, dans un demi-coma. Il y a une sorte d’anesthésie de la douleur, engendrée par la douleur même et par son excès. J’ai connu cette anesthésie.

Vers le soir, je réussis à me traîner, çà et là, sur le sol de ma cellule, sans pouvoir me tenir debout. Je bus beaucoup d’eau — comme le petit Jesse assoiffé, étendu sur le sable brûlant. Ce fut le lendemain seulement que, par un effort puissant de ma volonté, je me décidai et parvins à manger l’horrible pain que l’on m’avait laissé.

Le programme du gouverneur Atherton n’avait pas varié. Me permettre de me reposer et de récupérer des forces, quelques jours durant. Puis, si je n’avais pas avoué où était cachée la dynamite, me remettre, pour dix jours, dans la camisole.

Lui-même me l’avait répété, et je lui avais simplement répondu :

— Navré je suis, de tout mon cœur, de vous causer tant d’ennuis, gouverneur. Quel dommage que je m’obstine encore à vivre ! Ma mort vous soulagerait de tous vos tourments. Que voulez-vous ? Si je ne meurs pas, ce n’est point de ma faute.

Je ne crois pas qu’à cette époque je pesasse plus de quatre-vingt-dix livres. Deux ans avant, lorsque se refermèrent sur moi les portes de la prison de San-Quentin je faisais cent soixante-cinq livres. J’avais perdu, semblait-il, tout ce que je pouvais perdre. Il ne paraissait pas possible que je pusse, à la fois, perdre une once de plus et continuer à vivre. Cependant, au cours des mois qui sui-