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LE SUPPLICE DE LA SOIF

— Je dis seulement : « Supposons », expliquai-je.

— Ça va ainsi ! Continue. Supposons que je sois tué…

— Voudrais-tu me léguer tes scalps ?

Il ronchonna en lui-même, puis grommela :

— Qu’en ferais-tu ? Ta mère te giflerait, si elle voyait que tu les portes.

— Oh ! je ne les porterais pas devant elle ! Mais voyons, Laban, bien franchement, si tu es tué, il faut bien que quelqu’un en hérite de tes scalps. Pourquoi pas moi !

— Pourquoi pas ? Pourquoi pas ?… C’est très exact. Je t’aime, Jesse, et j’aime ton papa… convenu ! À la minute même où je mourrai, les scalps deviendront ta propriété. Et aussi le couteau à scalper. Timothée Grant, ici présent, en est témoin. As-tu entendu, Timothée ?

Timothée, couché dans la tranchée, répondit qu’il avait effectivement entendu et je demeurai tout abasourdi de l’immensité de ma bonne fortune, suffoqué de bonheur, et sans pouvoir trouver, à l’adresse de Laban, un seul mot de remerciement.

L’attaque coutumière se produisit au coucher du soleil et des milliers de coups de fusil furent tirés sur le campement. Aucun des nôtres, bien abrité, ne fut atteint. De notre côté, nous ne tirâmes pas plus de trente coups, et je vis Laban et Timothée Grant toucher chacun un Indien.

Entre temps, Laban me confia que, depuis le début du siège, les Indiens seuls avaient nourri la fusillade. Pas un seul blanc n’avait tiré. C’était certain et fort surprenant. Pourquoi agissaient-ils ainsi ! Ils ne nous apportaient aucun secours, mais ne nous attaquaient pas non plus. Et sans cesse, pourtant, ils allaient communiquer avec les Indiens, qui nous attaquaient. Quel était cet inquiétant mystère ?

Le matin du quatrième jour, la soif recommença à nous tourmenter cruellement. Une lourde rosée était