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LE SUPPLICE DE LA SOIF

vraient le feu sur lui et le coutraignaient à rebrousser chemin.

Comme le soleil allait disparaître à l’horizon, je me trouvais dans la grande fosse, à garder le bébé, tandis que ma mère étendait des couvertures sur le sol, pour préparer un lit. Toute la caravane était littéralement empilée. Tellement que tout le monde, la nuit précédente, n’avait pas trouvé place pour s’étendre. Plusieurs femmes avaient dû dormir assises, leur tête retombée sur leurs genoux.

Tout à côté de moi, me secouant le bras ou me donnant un coup sur l’épaule de temps à autre, Silas Dunlap était mourant. Il avait été atteint à la tête, lors de la première attaque, et, toute cette journée, il avait déliré, en divaguant et en chantant. Sans cesse, à en donner à ma mère des crises de nerfs, il fredonnait :

« Le premier petit Diable disait au second petit Diable :
Donne-moi du tabac de ta tabatière !
Le second petit Diable ripostait au premier petit Diable :
Épargne tes sous, mon frère,
Et toujours auras tabac dans ta tabatière ! »

J’étais assis près de Silas Dunlap et tenais sur moi le bébé quand l’attaque se déclencha. Le soleil se couchait et, de tous mes yeux, je fixais Silas Dunlap, qui achevait de mourir. La main de sa femme, Sarah, était posée sur son front. Elle et sa tante Marthe pleuraient silencieusement. C’est juste à ce moment que l’attaque se produisit.

Des centaines de fusils pétaradaient et lançaient leurs balles. L’ennemi formait un demi-cercle, qui allait de l’est à l’ouest, et nous criblait de plomb. Chacun, parmi nous, dans la grande fosse, s’aplatit contre terre. Les petits enfants se mirent à crier. Quelques-unes des femmes, au début, crièrent aussi.

Les coups de feu pleuvaient sur nous sans interruption. Grand était mon désir de ramper jusqu’à la tranchée, sous les chariots, où nos hommes entretenaient, sans fléchir, un feu roulant, mais, devinant mes inten-