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LA GRANDE TRAHISON DES MORMONS

— J’ai vu, dit-il, Lee s’enfuir à toute allure, lorsque je suis apparu. Capitaine, il y a, à Cedar City, plus d’hommes et de chevaux que de place pour eux dans la petite ville.

Nous eûmes peu d’ennuis, cependant. On nous refusa bien de nous vendre toute espèce de marchandise. Mais on nous laissa tranquilles. Les femmes et les enfants demeurèrent dans les maisons, et si quelques-uns des hommes se montrèrent à proximité de notre camp, ils n’y pénétrèrent pas, comme il était advenu ailleurs, pour nous invectiver.

C’est à Cedar City que mourut le bébé des Wainwright. Mrs. Wainwright, il m’en souvient, vint trouver Laban et, en pleurant, le supplia de tenter de lui procurer un peu de lait de vache.

— Ainsi, dit-elle, l’enfant sera peut-être sauvé. Du lait, ils en ont. J’ai aperçu des jeunes vaches, de mes propres yeux. Vas-y, Laban, je t’en prie ! Il n’y a aucun inconvénient à essayer. Au pis aller, ils refuseront. Mais ils n’oseront certainement pas. Dis-leur que c’est pour un bébé, un faible et innocent bébé. Les femmes mormons ont des cœurs de mères. Elles ne sauraient refuser une tasse de lait à un enfant.

Laban fit la tentative. Mais, comme ensuite il le raconta à mon père, il ne put arriver à joindre les femmes mormons. Il ne vit que les hommes, qui l’envoyèrent promener.

Cedar City était le premier poste avancé des Mormons. Ensuite s’étendait le Désert immense et, au delà, la terre rêvée, la terre heureuse et mythique de la Californie.

Nos chariots se mirent en route de bonne heure, le lendemain matin, moi étant assis à côté de mon père, sur le siège du conducteur. À peine sortions-nous de Cedar City que je vis Laban, qui cheminait à côté de notre chariot, arrêter son cheval, lui faire exécuter plusieurs tours sur lui-même et, se dressant sur ses étriers, montrer à mon père, avec une mimique appropriée, une