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LE VAGABOND DES ÉTOILES

queté sur nos bêtes tout ce qu’ils contiennent, nous effectuerons à pied les dernières étapes. Nous pourrons, en cours de route, si c’est nécessaire, manger nos animaux. Mieux vaut encore arriver en Californie sans une guenille sur nos dos que de laisser ici notre carcasse. Et c’est le sort qui nous attend si nous déchaînons une querelle.

Mon père réitéra, à plusieurs reprises, ses exhortations à éviter toute violence en paroles et en actes, et le meeting improvisé se disloqua.

Cette nuit-là, je fus plus long que de coutume à m’endormir. Ma rage contre le Mormon avait à ce point excité mon cerveau que celui-ci me tintait encore lorsque après une dernière ronde mon père rampa à son tour dans le chariot.

Mes parents me croyaient endormi. Il n’en était rien et j’entendis ma mère qui demandait à mon père s’il croyait que les Mormons nous permettraient de quitter en paix leur territoire. Il lui répondit, tout en tirant ses bottes, qu’il avait pleine confiance et que certainement les Mormons nous laisseraient passer en paix si personne de la caravane ne leur cherchait noise.

Il se retourna et, à la lueur d’une petite chandelle de suif, j’aperçus son visage dont l’expression démentait ses paroles rassurantes.

C’est sous cette pénible impression que je m’endormis enfin, opprimé par la pensée du danger suspendu sur nos têtes, rêvant de Brigham Young qui, dans mon imagination d’enfant, prenait des proportions colossales et ressemblait à un vrai Diable, effroyable et méchant, avec des cornes, une queue et cætera.