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LA CARAVANE VERS L’OUEST

souvient que toute la caravane, ceux des hommes qui demeuraient, les femmes et même les enfants, interrompirent leurs occupations pour les regarder partir. Tous sentaient que la mission dont étaient chargés ces ambassadeurs était grave.

Pendant leur absence, des étrangers survinrent, qui étaient des habitants du désert de Nephi et qui, ayant pénétré à l’intérieur du camp, commencèrent à y circuler d’un air hautain.

Ces visiteurs étaient des blancs comme nous. Mais leur visage austère était sombre et dur, et ils paraissaient irrités contre nous. De l’hostilité flottait dans l’air et ils prononcèrent des paroles mauvaises, calculées visiblement pour irriter la colère de nos jeunes gens et de nos hommes. Mais un avertissement d’être prudent sortit de la bouche des femmes, et la consigne passa rapidement que pas un mot ne devait s’échanger.

Un des étrangers s’avança vers notre feu, devant lequel ma mère était en train de cuisiner. Je venais d’arriver avec une brassée de sauge. Je demeurai immobile, écoutant ce qui allait se dire et regardant fixement l’intrus, que je haïssais, parce qu’il était dans l’air de haïr, parce que je savais qu’il n’en était pas un parmi nous qui n’eût en haine ces hommes à la peau blanche comme la nôtre, qui étaient cause que nous avions dû établir en rond notre camp.

L’étranger venu à notre feu avait les yeux bleus, d’un bleu dur et froid, et perçants. Ses cheveux étaient couleur de sable, sa figure rasée jusqu’au menton. Au-dessous du menton, couvrant le cou et remontant en collier jusqu’aux oreilles, était plantée drue une frange de barbe, striée de gris.

Ma mère ne le salua pas. Il ne la salua pas davantage. Il se contentait de rester là et de la dévisager. Puis il s’éclaircit la gorge et dit, d’une voix railleuse :

— En cet instant, j’en jurerais, vous voudriez bien vous trouver revenus aux bords du Missouri !