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— Eh bien, le début de l’histoire de Braise d’Or, c’est le vieux vigneron français. Car il fut, comme je te l’ai dit, le père de Marie Chauvet. Et Marie Chauvet et Braise d’Or ne sont qu’une seule et même personne. Es-tu satisfait ? Ici se termine l’histoire de Victor Chauvet. Le bonhomme suivit son train-train de vie, réussit dans les affaires et, devenu veuf, combla de soins la petite Marie, qui était le portrait vivant de sa mère. C’est lui qui baptisa Braise d’Or la jeune fille, qui donna ce même nom au Creek et à la ville qui le portent également. Le vieux Chauvet, quoiqu’il ne fût pas lui-même chasseur d’or, était renommé pour trouver des noms adéquats aux rivières et aux terrains neufs que se partageaient les chasseurs d’or…

Lon Mac Fane, coupant ici son récit, me regarda dans les yeux et me demanda :

— Maintenant veux-tu, s’il te plaît, me dire ce que, sur le chapitre de l’esthétique, tu penses de cette femme ?

Je déclarai que je l’avais trouvée belle, étonnamment belle, plus belle qu’aucune autre que j’eusse rencontrée jamais. J’ajoutai qu’en dépit de sa folie, je ne pouvais détacher d’elle mon regard émerveillé.

Lon Mac Fane reprit, à voix basse :

— Belle, elle l’était plus encore, avant d’être enveloppée de ténèbres. Alors elle était vraiment Braise d’Or. Elle tournait le cœur de tous les hommes, et toutes les têtes. Tu l’as vue se souvenir, avec beaucoup d’efforts, que j’ai gagné le prix, à Dawson, dans une joute de pirogues. Alors je l’aimais, et j’étais, je le croyais du moins, payé de retour. Il n’y avait pas un homme qui, pour sa beauté, ne raffolât d’elle. Elle eût obtenu, sans rivalité aucune, la pomme de Pâris. Et, si Pâris l’avait connue, c’est elle qu’il eût aimée, et la guerre de Troie n’eût pas eu lieu. Maintenant, elle vit dans la mort. Elle, si volage autrefois, elle est pour la