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vers moi, me railla, et je lui présentai mes excuses pour les reproches que je lui avais adressés.

Depuis, le même manège ne cessa de se répéter.

Si Spot ne prétendait pas travailler, il était, en revanche, glouton comme un porc et, de plus, un habile et fieffé voleur. Il n’y avait pas moyen de se mettre à l’abri de ses larcins. À maint repas, nous dûmes nous serrer le ventre de lard fumé, parce que Spot s’était servi avant nous. Si nous faillîmes mourir de faim, en remontant le Stewart, ce fut grâce à lui. Il avait découvert notre réserve de vivres, y avait pénétré avec effraction et, ce qu’il ne mangea point, le reste de l’attelage s’en chargea. Mais nous reviendrons là-dessus.

Il était impartial, au demeurant, dans le choix de ses victimes et pillait indifféremment les étrangers et ses maîtres. Sans cesse il était en maraude et jamais nous ne fûmes à cinq milles d’un campement, qu’il n’y poussât un raid. Le pis est que les gens se rabattaient ensuite, sur nous, pour nous faire payer la note de ses repas. Et, parfois, c’était dur pour nous. Au cours de ce premier hiver, où nous franchîmes les passes du Chilcoot, il nous fallut payer des tas de lard et des jambons entiers, dont nous ne mangeâmes jamais un morceau.

Si ce Spot avait une peur bleue du travail, il ne craignait pas autre chose. Et, s’il laissait à ses compagnons chiens le soin de tirer le traîneau, il s’entendait, lui, à les faire marcher. Il avait réussi à merveille leur éducation et savait admirablement les corriger. Il était même, envers eux, plutôt sévère.

Il ne craignait rien de ce qui trottait sur quatre pattes. Je l’ai vu qui fonçait seul, sans la moindre provocation, sur tout un attelage, et qui, en un instant, y semait la panique.

J’ai dit qu’il avait un superbe appétit. Il était capable, en outre, de manger n’importe quoi. Je le