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dans les entrailles chaudes, fut ainsi sauvé du gel et de la mort. Il ferait comme lui. Il tuerait le chien, puis enfouirait ses mains dans le cadavre encore chaud, jusqu’à ce que leur engourdissement disparût. Alors il tâcherait de retrouver quelque allumette dans une de ses poches et reconstruirait, une troisième fois, son feu.

Il parla au chien et l’appela. Mais si pleine d’émotion était sa voix, tellement elle tremblait, que la bête, qui jamais ne s’était entendu parler de la sorte, s’effraya. Cette voix cachait un danger. Lequel ? Elle l’ignorait. Mais le danger était certain et l’instinct lui disait de se défier de l’homme.

Les oreilles aplaties et sans cesser d’arrondir le dos et de battre le sol de ses pattes, le chien refusait de se rendre à l’appel.

L’homme se mit alors à quatre pattes et, sur les mains et les genoux rampa vers l’animal. La défiance du chien, devant cette posture inaccoutumée, s’accrut encore et, l’air hargneux, il se défila sournoisement.

L’homme se releva. Il ne voulait pas perdre son calme. Il regarda le sol, afin de s’assurer s’il était vraiment debout, car il ne sentait plus ses pieds et n’eût pu dire s’ils touchaient la terre. Le chien, cependant, s’était rassuré en voyant que son maître avait repris sa position verticale. Et, quand une voix impérieuse, qui claquait comme une mèche de fouet, lui parla de nouveau, il retrouva sa soumission coutumière et s’avança.

Dès que le chien fut à sa portée, l’homme, à demi-fou d’espoir, ouvrit les bras, et, se baissant, les lança vivement autour de la bête. Mais il avait oublié ses doigts, qui gelaient de plus en plus. En vain tenta-t-il de les agripper au poil, ils ne lui obéissaient plus.

La scène s’était déroulée très rapidement et, avant que le chien eût pu s’échapper, l’homme le tenait