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Ses doigts étaient devenus si gourds qu’il ne pouvait pas s’en servir pour trier sa récolte et qu’il dut prendre pêle-mêle, à grosses poignées, tout ce qui lui tomba sous la main. Il recueillit de la sorte beaucoup de brindilles pourries, ainsi que des touffes de mousse verte, qui s’y entremêlaient, et qu’il eût fallu enlever. Mais il ne pouvait faire davantage.

Il procédait aussi méthodiquement que tout à l’heure, mettant de côté les plus gros morceaux de bois, afin de les employer seulement quand le feu aurait pris. Le chien, pendant ce temps, assis sur son derrière, ne le quittait pas du regard, une ardente convoitise brillant dans ses prunelles, car l’homme était pour lui le pourvoyeur du feu, du feu qui recommencerait bientôt à flamber.

Ces préparatifs une fois terminés, l’homme chercha dans sa poche une autre lamelle d’écorce de bouleau. Il savait que cette lamelle s’y trouvait et, en effet, tandis qu’il farfouillait dans l’étoffe, il entendait le froissement de l’écorce. Mais ses doigts ne sentaient rien et, en dépit de ses efforts, ne parvenaient pas à la saisir. Il avait également conscience que, pendant ce temps, ses pieds continuaient à geler. À cette idée, il se sentit étreint d’une véritable angoisse. Mais il raidit sa volonté et conserva son calme.

À l’aide de ses dents, il renfila ses mitaines, battit des mains contre ses côtes, fit aller ses bras, en avant et en arrière. Puis il s’asseyait et se relevait. Le chien le regardait faire, toujours assis dans la neige, le panache de sa queue touffue enroulé sur ses pattes de devant, comme un manchon, les oreilles pointées en avant, intéressé et curieux. L’homme de son côté, tout en continuant à se battre les flancs et à taper ses mains, regardait le chien et il enviait la chaude couverture de poils que la nature avait donnée à la bête.

À force de se démener, l’homme perçut à la fin que