Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il remarqua encore que la piqûre qu’il avait, en s’asseyant, ressentie à ses deux orteils, avait disparu. La chaleur était-elle revenue ou, au contraire, était-ce l’effet accru du froid ? Il se le demanda. Il remua ses pieds dans ses mocassins ; les deux orteils étaient gourds.

Il remit précipitamment sa main gauche dans la mitaine et se leva, tout de même un peu effrayé. Il battit la semelle, jusqu’à ce qu’il sentît de nouveau une sensation de piqûre à ses doigts de pied.

Il faisait froid, évidemment très froid.

Le vieux bonhomme qui avait sa cabane sur le Sulphur Creek[1], et avec qui il avait causé avant de se mettre en route, n’avait pas menti en lui disant combien il faisait froid parfois, dans le pays. Il s’était alors moqué de lui ! Cela prouvait qu’on ne doit jamais inconsidérément juger de ce qu’on ignore. Il n’y avait pas d’erreur possible : Il faisait froid. Et l’homme continuait à marcher de long en large, à frapper des pieds, à battre des bras, jusqu’à ce qu’enfin, la circulation s’étant rétablie, il se rassura.

Alors il entreprit de construire son feu.

Sous les broussailles qui bordaient la rivière et où la crue du printemps dernier avait apporté, par paquets, des brindilles aujourd’hui desséchées, il trouva le bois qui lui était nécessaire. Il établit avec soin un petit foyer, puis tira de sa poche une allumette, en même temps qu’un morceau d’écorce de bouleau, sur lequel il la frotta. Le bouleau s’enflamma plus rapidement encore que ne l’eût fait un bout de papier, et le feu jaillit, en sifflant. L’homme, se courbant sur la flamme, fit fondre la glace qui lui recouvrait la figure. Puis, devant la bienfaisante chaleur, il sortit ses mains de ses mitaines, et se risqua à manger ses biscuits. Il avait dominé le froid. Le chien, satisfait lui aussi, s’allongea tout près du

  1. La Rivière-du-Soufre.