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première fourche de la rivière. Il était satisfait de la vitesse à laquelle il avait marché. S’il la maintenait, il aurait certainement à six heures, rejoint les camarades.

*

Il déboutonna sa veste et sa chemise pour sortir son déjeuner.

Cet acte indispensable ne lui prit pas plus d’un quart de minute. Mais ce court laps de temps avait été suffisant pour que de nouveau l’engourdissement s’emparât de ses doigts exposés à l’air. Il tint bon cependant et, sans remettre sa mitaine, par douze fois, avec énergie, il frappa ses doigts contre sa jambe. Puis il s’assit sur une souche d’arbre recouverte de neige, afin de manger.

Une vive piqûre s’était, tout d’abord, fait sentir dans ses doigts, tandis qu’il les battait contre sa jambe. Puis, cette piqûre avait cessé si brusquement qu’il s’en étonna. Les doigts étaient comme insensibles, et il n’avait pas encore réussi à porter le biscuit à ses lèvres et à y mordre.

Il frappa encore ses doigts sur son mollet, à plusieurs reprises et, les renfonçant dans sa mitaine, découvrit son autre main. De celle-ci, hâtivement, il leva le biscuit vers sa bouche. Mais sa bouche était close par la muselière de glace qui réunissait sa barbe à sa moustache, et vainement il tenta de croquer tant soit peu de nourriture.

Il avait oublié de construire un feu, pour se dégeler. Et, à cette pensée qui lui revint soudain, il se mit à ricaner en songeant combien il était sot.

Mais, tout en ricanant, il remarqua que les doigts de sa main gauche, qui demeuraient exposés à l’air, étaient en train de s’engourdir comme l’avaient fait ceux de sa main droite.