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III

CONSTRUIRE UN FEU


(To build a fire)
(deuxième version, 1908)


L’aube, ce jour-là, était froide et grise, très grise et très froide, lorsque l’homme quittant le large tracé que dessinait le Yukon[1] gelé, gravit le haut coteau qui s’élevait sur une des rives du fleuve et où se dessinait confusément une piste étroite, qui s’en allait vers l’est, à travers l’épaisse futaie des sapins.

Le coteau était à pic. Une fois arrivé au sommet, l’homme fit une pause, pour reprendre haleine ; puis, machinalement, il regarda sa montre. Elle marquait neuf heures.

Il n’y avait pas de soleil, pas un soupçon de soleil, quoique aucun nuage ne fût au ciel.

Le firmament était pur. Et cependant un impénétrable voile semblait s’étendre sur toutes choses. De ténues et fines ténèbres, qui n’étaient pas la nuit, mais l’absence du soleil, tamisaient le plein jour et l’obscurcissaient.

  1. Le Yukon, ou Yakou, est le fleuve long d’environ deux mille kilomètres, qui traverse le Klondike et le Territoire d’Alaska, pour aller se jeter dans la mer de Behring.