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Il rencontra une cabane, à laquelle il cogna. L’homme qui l’habitait possédait une charrette et deux chevaux. S’étant levé, il attela moyennant vingt dollars. Churchill se hissa péniblement dans la charrette et s’y endormit, toujours harnaché de son sac.

Le chemin qui descendait vers la vallée de Dyea était terriblement raboteux et semé de galets ronds et polis. Aux cahots trop violents, Fred Churchill était parfois projeté à deux ou trois pieds en l’air, ce qui le réveillait. Puis il se rendormait. Les soubresauts secondaires le laissaient indifférent.

Le dernier mille à parcourir était plus facile. En sorte que Churchill s’endormit profondément. Quand il s’éveilla, énergiquement secoué par le conducteur de la charrette, l’aube s’était levée et il se trouvait à Dyea, au bord de l’océan Pacifique. Tandis qu’il se frottait les yeux, l’homme lui criait dans les oreilles que l’Athénien était parti.

Il sursauta, puis regarda, tout déçu, le quai qui était vide.

— Il y a de la fumée, là-bas, vers Skagway, dit l’homme.

Fred Churchill avait les yeux trop enflés pour pouvoir distinguer rien, mais il répondit :

— Je rattraperai le vapeur. Trouve-moi un canot.

L’homme était serviable. Il trouva rapidement un canot libre que le propriétaire mit à la disposition de Fred Churchill pour dix dollars. Pour ce prix, il s’engageait en outre à ramer. Churchill paya les dix dollars, se fit descendre dans le canot, opération qu’il n’eût pu exécuter seul, et s’y étendit tout de son long, heureux à la pensée de reprendre son somme. Il y avait six milles environ de Dyea à Skagway.

Mais le propriétaire du canot n’était pas fichu de ramer convenablement. Fred dut prendre les avirons et s’exténuer durant quelques siècles de plus. Il connut là, durant ces six milles, la notion vraie de