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Cachée d’abord par le contrefort boisé de la vallée, la petite caravane, quand elle l’eut dépassé, apparut dans le champ visuel de Morganson.

En avant marchait le troisième homme, dont il ignorait le nom, et qui avait charge de reconnaître la piste. Derrière lui venaient huit chiens, attelés au traîneau. À côté de celui-ci allait John Thomson, qui le maintenait en ligne, s’il y avait lieu, à l’aide de la barre de direction.

Oleson, le Suédois, fermait la marche. C’était, à coup sûr, un beau spécimen d’homme, avec son corps colossal, enveloppé dans sa « parka » en peaux d’écureuils. Morganson, en le regardant, ne put s’empêcher d’admirer.

La silhouette des hommes et des chiens se détachait nettement sur la neige. On eût dit des personnages en carton découpé, dont une ficelle invisible réglait les mouvements.

Morganson gagna rapidement son affût dans le boqueteau de peupliers, et installa son fusil dans l’encoche de l’arbre préparé à cet effet. Il se rendit compte, à ce moment, que les doigts de sa main droite, qui se trouvait nue, étaient glacés. Il avait, sans qu’il s’en rendît compte, laissé tomber sa moufle, qui pendait devant lui. Il la renfila hâtivement.

Gens et bêtes se rapprochaient de plus en plus. Il pouvait voir leur haleine jaillir, en se condensant, dans l’air froid.

Lorsque l’homme qui allait en tête ne fut plus qu’à cinquante mètres, Morganson découvrit sa main droite, appuya son index sur la détente et visa.

Le coup partit. L’homme, touché en plein ventre, virevolta sur lui-même et s’écroula.

Les chiens s’étaient arrêtés net, devant le cadavre qui obstruait la piste. Il y eut, chez les hommes qui

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