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— Allons, dit-il, viens, Oleson… il est temps d’aller nous coucher.

Oleson se mit sur pied, en bâillant et s’étirant.

— Vous allez vous coucher de bien bonne heure, observa le cabaretier, en faisant la moue. Rien ne vous presse.

— Nous devons partir de bonne heure, demain matin, répondit l’homme à barbe noire. Car nous voulons être, le soir, à Selkirk.

— Pour y fêter Noël ?

— Justement ! répliqua l’homme, en riant. Les trois voyageurs disparurent par la porte intérieure et Morganson, songeant derechef à l’idée qui le tourmentait, conclut de ce qu’il venait d’entendre qu’on était à la veille de la Noël.

Ce lui fut un grand contentement de connaître maintenant ce qui, justement, l’avait amené à Minto.

Mais la vision des trois hommes et de la liasse des banknotes était une bien autre satisfaction, qui éclipsait la première.

La porte s’était refermée, en claquant.

— Celui qui a une barbe noire, dit à Morganson le cabaretier, est John Thomson. Il a récolté deux millions de dollars sur le Sulphur-Creek, et il lui en viendra d’autres. Je vais faire comme le trio et, moi aussi, me coucher… Avant de partir un dernier verre, veux-tu ?

Morganson hésitait à dire oui, car sa poche était vide.

— Celui-là sera pour Noël. Ne te refuse pas ça… Tu me le paieras quand tu toucheras le prix de ton bois.

La tête de Morganson lui tournait complètement.

Mais il maîtrisa suffisamment son ivresse pour avaler le whisky et faire, quand il sortit, bonne contenance.

Il regagna, sous le clair de lune, la piste du Yukon et il reprit le chemin de son gîte. Il allait en clopinant,

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